« Inglorious Basterds » représente l'aboutissement du talent de Tarantino. Avec cette histoire d'un groupe de juifs américains envoyé en France occupée, le réalisateur s'attaque à un genre qu'il n'avait jamais exploré : le film de guerre. Toutefois, Tarantino brouille les pistes et c'est surtout un western moderne qu'il réalise. Dès la scène d'ouverture, il annonce la couleur. La maison dans laquelle arrive la colonel SS Hans Landa, joué par Christoph Waltz qui signe la meilleure prestation du film et mérite amplement son prix d'interprétation cannois, afin de débusquer une famille juive de sa cachette a tout d'une petite maison dans la prairie version tarantinienne. L'ensemble de la scène se fait sur un fond musical de Nick Perito chez qui on ressent bien l'influence d'Ennio Morricone, grand collaborateur de Sergio Leone pour des films comme « Le bon, la brute et le truand », qui signe d'ailleurs presque tout le reste de la BO.
Une fois cette scène finie, Tarantino enchaine son second chapitre où les basterds sont présentés. On voit enfin Brad Pitt arrivé à l'écran et avec son accent de redneck et son attitude il démontre une nouvelle fois qu'il est l'un des acteurs les plus doués de sa génération. Malgré la présence de cette star à l'écran Quentin Tarantino ne tombe pas dans le piège de mettre tout les film sur les épaules de Brad Pitt qui apparaît presque comme une guest star.
Avec le deuxième chapitre de son film achevé, Tarantino se lance dans un leçon de cinéma de plus de deux heures totalement jouissive et qui fini sur un final grandiose. Tous les éléments du cinéma de Tarantino sont là, les discussions interminables, la place prédominante laissée aux femmes, l'amour du cinéma, une représentation de la violence totalement jouissive et surtout un grand bain de pop-culture. Le génie d' « Inglorious Basterds » est sûrement dans ce dernier aspect. Il faut tout de même se rappeler que toute la culture populaire de la seconde partie du XXéme siècle dans laquelle le cinéaste a plongée son œuvre n'existait pas à l'époque du film. Même si les pulp magazines avaient déjà explosé outre-atlantique, les procédés de mass medias n'étaient pas encore au point, les informations ne circulaient que très peu à travers le monde. On ne pouvait pas parler de musique pop, avec laquelle Tarantino construit ses BO, et la morale de l'époque était bien différente que celle dans laquelle le cinéaste a grandit.
Pour « Inglorious basterds » le postulat est : au diable la vérité historique ! On est ici pour qu'on nous raconte une histoire ce qui est encore l'objectif premier du cinéma. Ainsi le film est à lui tout seul une énorme uchronie, mais tout semble crédible et c'est là qu'est tout l'intérêt du film. On est pas choqué de voir Mélanie Laurent se préparer pour la scène finale alors qu'en musique de fond c'est David Bowie qu'on entend, aucun problème à voir les différents basterds présenté comme des super-héros modernes et encore moins de problème à voir Tarantino changer à lui tout seul le cours de l'histoire.
Avec seulement six films à son actif, Tarantino avait déjà prouvé qu'il était un bon réalisateur, mais rien n'est jamais acquis. En nous présentant « Inglorious Basterds » il vient de rentrer dans la cours des grands car c'est enfin son propre style qu'il met en avant et il ne se repose pas sur celui d'un autre. Encore une fois il arrive à rassembler tout le monde autour de son film : presse, grand public, cinéphile, intellos bobos et public occasionnel. Malgré l'accueil mitigé que le film a reçu à Cannes, et tout le feuilleton autour du remontage qui a suivi cette événement, on peut quand même dire que Tarantino signe l'un de ses meilleurs films, pour ne pas dire le meilleur, et mérite enfin de façon légitime les capacités reconnues de génie que certains lui avaient un peu trop vite attribuées.
10/10