jeudi 5 mars 2009

Espion(s) de Nicolas Sadaa


Depuis le 11 septembre 2001, le film d’espionnage et d’anti-terrorisme est devenu un genre de prédilection pour le cinéma. Les américains sont bien sur très compétents dans ce domaine avec de nombreux films et séries telles que la trilogie Jason Bourne, "24 chrono", "Sleeper cell" ou dernièrement le nouveau Ridley Scott, "Mensonges d’Etat". Cette mode commence apparemment à atteindre la France ces derniers mois avec (le très bon) "Secret défense" et, dans une certaine mesure, (le très mauvais) "Largo Winch".

Dernier né en date de ces films d’espionnage à la française : "Espion(s)" de Nicolas Sadaa. Le monsieur ne vous dit peut être pas grand-chose, mais celui-ci à déjà fait ses armes à travers plusieurs court-métrages, et a pu nous faire découvrir les musique de films sur son émission de radio difusée par Radio Nova, et nous donner également sa vision du cinéma dans les pages des Cahiers du Cinéma.

Avec "Espion(s)" Nicolas Sadaa signe son premier long métrage et fait déjà preuve d’une forte personnalité en prenant certains clichés du genre à contre-pied. Tout d’abord, on dit au revoir au super matériel hérité de James Bond et aux écrans plasma géants dans les bureaux ultra hi-tech des services secrets qu’on arrive facilement à imaginer. "Espion(s)" se veut proche de la réalité et ne souhaite pas partir dans des enchères fantasmagoriques sur la technologie. Son réalisateur le dit lui-même, c’est avant tout un film humain.

Ensuite hors de question dans ce film d’avoir un Jack Bauer (héros de "24H Chrono"). Guillaume Canet assume avec brio son rôle de citoyen lambda à qui il arrive une histoire qui le dépasse complètement. Ce contrepied assumé par rapport aux codes du genre se trouve aussi dans la construction du film. Le film se pose toujours sur ce fond du monde du renseignement et du terrorisme, mais cela sert surtout à pouvoir se concentrer sur les émotions des personnages et les rapports humains, sans lesquelles le monde du renseignement n’existerait pas, contrairement à un cinéma spectacle où un bon film d’espionnage se définirait par le nombre d’explosions ou de scènes d’interrogatoires malsaines. Ainsi Nicolas Sadaa arrive à porter notre intérêt sur une pseudo romance qui s’installe entre le personnage de Guillaume Canet et celui de Géraldine Pailhas, plutôt que de s’attarder sur une course poursuite stupide durant tout le film entre les services secret et les terroristes jouant au chat et à la souris.

Hélas, alors qu’on pourrait se dire que ce parti pris du réalisateur joue en faveur de son film, le mélange des deux genres, romance et espionnage, ne fonctionne pas et le développement de l’histoire principale se voit passer au second plan pour un dénouement assez rapide et presque bâclé ne donnant pas réellement l’impression d’avoir assister à une enquête, mais plutôt à une succession de coïncidences et de cadeaux tombée du ciel permettant aux inspecteurs de retrouver les terroristes.

De plus cette amourette entre les deux personnages n’est pas non plus si intéressante et si touchante que ca, et on peut se demander si cela valait le coup de la mettre en avant par rapport au fil conducteur. C’est la seule chose que l’on reprochera à "Espion(s)", mais elle n’est pas des moindres car c’est sur cela que se construit tout le film. Ce manque de développement de l’enquête, en elle-même, empêche, hélas, de construire un réel discours sur la situation actuelle vis-à-vis du monde des services secrets et, en sortant du film, on a presque l’impression que le personnage de Guillaume Canet a vécu cela comme un des nombreux petits jobs qu’il a déjà eu comme annoncé dés le début du film.

"Espion(s)" demeure quand même un essai réussi car la réalisation est maniée avec talent tout comme les interprétations des acteurs. En plus de cela, Nicolas Sadaa s’est entouré de beau monde pour un premier film avec un sacré casting, et Cliff Martinez à la musique (compositeur sur les films de Soderbergh et accessoirement ancien batteur des Red Hot Chili Peppers).

Nicolas Sadaa signe un film d’espionnage qui a une identité propre et qui ne se limite pas à imiter les films américains, ce qu’on peut reprocher à "Secret Défense", et termine son film sans rallonge, alors qu’il était prés à se perdre dans son propos, en laissant soin aux spectateurs de décider eux même du mot de la fin, tout comme je vous invite à vous faire votre propre opinion en allant voir "Espion(s)" qui, malgré ses défauts, reste un bon moment de cinéma.

6,5/10

(Critique également disponible sur : http://www.lequotidienducinema.com/)

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