samedi 23 janvier 2010

"Agora" de Alejandro Amenábar


8 ans après le succès du film « Les autres » Alejandro Amenábar retourne une nouvelle fois vers les États-unis pour produire son nouveau film, « Agora ». Avec les derniers succès en date de péplums tel que « 300 », « Troie » ou encore « Alexandre » le réalisateur espagnol aurait put rapidement tomber dans la facilité de l'infographie se contentant d'une simple reproduction d'époque, il n'en est rien. En plus d'éviter les pièges du péplum à grand spectacle « Agora » se permet également de construire un discours rendant honneur à Hypatie, la philosophe dont la vie a inspiré le film interprété à merveille par Rachel Weisz.

Il est ici bien question d'inspiration et à aucun moment Amenábar ne recherche l'exhaustivité. L'histoire d'Hypatie remonte à si longtemps (415 après JC) que la majorité de ses travaux ont été perdus et sa situation de païennes n'a bien sûr pas encourager les chrétiens à perpétuer son héritage. « Agora » se présente donc comme une fiction et n'est en aucun cas à prendre comme un biopic, genre qui aurait empêché tout le propos du film d'exister. C'est surtout dans la mise en scéne de la chute d'une civilisation, en l'occurrence l'empire romain, et la fin d'une ère qu'« Agora » présente tout son intérêt.

Alors que le christianisme n'est encore qu'une secte juive et que les principaux culte reste païens Hypatie enseigne au sein de la bibliothèque d'Alexandrie la philosophie, au sens premier du terme (la recherche de la sagesse), à ses disciples. Qu'ils soient juifs, chrétiens ou païens tous reçoivent le même enseignement de la part de la philosophe qui leur apprend leur égalité en tant qu'individu. Toutefois l'avènement d'une nouvelle religion va remettre en cause ces travaux et faire naitre de nombreux conflits.

Ce n'est pas avec « Agora » que la religion chrétienne est montré sous son plus beau jour. En prenant le partie pris de la présenter comme une religion encore naissante, de l'ordre de la secte, le réalisateur s'attaque à l'obscurantisme dont à fait preuve la chrétienté au cours de son histoire et l'extrémisme de certains de ses premiers leaders. Le film n'en devient pas pour autant un cliché du manifeste anti-chrétien. Que ce soit le christianisme, le judaïsme ou les religions païennes qui sont décrites chacune est présentée sur un pieds d'égalité. « Agora » n'est pas non plus un film anti-religieux. La scène du premier contact de Davus, l'esclave d'Hypatie joué par Max Minghella, avec les chrétiens montre toute la charité qui découle de cette religion et l'importance de certains de ces principes moraux. Ce n'est pas pour autant que le réalisateur devient mou lorsqu'il montre comment les chrétiens ont détruit sans gêne la bibliothèque d'Alexandrie à cause de ses origines païennes ou encore lorsque ces derniers lapident tout ceux qui ne suivent pas leur préceptes.

C'est l'extrémisme qui est constamment attaqué dans « Agora » et même si la vérité historique n'est pas tout le temps respecté cette critique est faite avec une grande intégrité intellectuel et une ouverture d'esprit qui fait aujourd'hui défaut aux principaux dignitaires religieux.

En portant une attention particulière à tous ce discours philosophique Alejandro Amenábar n'en délaisse pas pour autant toute la dimension grand public de son cinéma et arrive une nouvelle fois à allier réflexion avec divertissement. La qualité de la reconstitution en fait un excellent spectacle qui ne manquera pas de conquérir tout type de spectateur.

Après le thriller (« Tesis »), le fantastique (« Les autres », « Ouvre les yeux ») et le drame (« Mare Adentro ») c'est un à un tout nouveau genre que s'attaque le réalisateur espagnol et il prouve que quelque soit le registre il est toujours aussi à l'aise. Il nous apprend également que le cinéma espagnol est loin, même très loin, de se résumer à celui d'Almodóvar et qu'il existe des talents bien plus grand que ce dernier. Finalement, alors que l'obscurantisme religieux revient au goût du jour, qu'on n'hésite pas à réinterpréter les écrits pour mieux arriver à des fins politiques « Agora » est un film qui fait extrêmement de bien et qui, malgré son époque marqué dans l'antiquité, tient un discours très actuel.


9/10

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