lundi 13 avril 2009

"Ne me libérez pas je m'en charge" de Fabienne Godet



Libéré depuis 2003, après avoir passé 27 ans de sa vie en prison, entrecoupée par cinq évasions plus ou moins spectaculaires, Michel Vaujour ne s'était jamais réellement confié sur son passé de bandit-prisonnier et aujourd'hui il se révèle face à la caméra de Fabienne Godet dans "Ne me libérez pas je m'en charge". De nombreux scénaristes et producteurs s'étaient déjà approchés de cette homme pour la réalisation d'une fiction sur sa vie. Jusque là, toute les tentatives avaient échoué, à part une adaptation très libre d'une de ses évasions dans "La fille de l'air", et c'est par la rencontre avec la documentariste Fabienne Godet que Michel Vaujour a finalement accepté de se confier. A ce titre, observons que le documentaire est sûrement le meilleur des formats pour comprendre l'histoire de Michel Vaujour qui est plus complexe qu'elle n'y parait. Avec une histoire aussi atypique on peut être sur qu'un film de fiction aurait été rien de plus qu'un cinéma spectacle qui serait passé à côté de nombreuses choses alors que nous avons encore la chance d'avoir le principal protagoniste encore en vie et pouvant nous éclairer sur toute cette histoire.

La force de ce documentaire et son intérêt se trouvent dans le point de vue qu'a choisi Fabienne Godet pour aborder son sujet. Jamais moralisateur et n'essayant jamais d'édifier Michel Vaujour en héros, "Ne me libérez pas je m'en charge" est avant tout un film qui essaye de comprendre. Comprendre comment un enfant juste bagarreur s'est retrouvé propulsé au statut d'ennemi public numéro 1 dans les années 80 ? Qu'est ce qui le pousse à commettre tout ces évasions ? Comment a-t-il réussi à survivre psychologiquement à toutes ces années ? Ce film est surtout le portrait d'un homme libre. Libre dans le sens le plus vaste du terme. Il explique qu'il est tombé dans le banditisme pour ne pas subir la soumission sociale de l'usine, qu'il se considérait plus comme un anarchiste-rebelle plutôt qu'un truand du milieu à la Mesrine, d'ailleurs ces derniers étaient même trop conventionnels pour lui, et il raconte que, pendant ces longues années d'isolement, le plus dur pour lui était de se libérer de son corps pour mieux s'évader par son esprit.

Paradoxalement "Ne me libérez pas je m'en charge" est donc un film sur la liberté et non sur la prison. On ressent cette liberté à l'écran avec ces nombreux travelling pris d'une voiture donnant l'impression d'un road movie ou aucune direction n'est imposée. A l'écran c'est un Michel Vaujour différent de ce à quoi l'on aurait pu penser qui apparaît. L'homme montre une grande intelligence et une grande capacité de réflexion sur son passé lui permettant de construire un discours intéressant et de tenir un quasi-monologue d'1h45. Certaines scènes peuvent choquer comme lorsque un des neveux de Michel Vaujour lui dit qu'il aimerait voir ce que ca fait d'être en prison et que ce dernier lui répond : "Si tu as les couilles de le faire fais le". Même si ce type de discours peut facilement être interprété comme de l'incitation au banditisme, on comprend vite que le personnage est tout simplement fidèle à lui même et qu'il ne cherche ni à imposer sa morale et ses règles, et qu'il veut laisser vivre les gens en paix et mener leur propre vie.

Ainsi le propos du film est une magnifique réflexion sur les effets de la prison et sur la liberté, mais toute ce fond est handicapé par une forme plutôt bâclée. En effet, Fabienne Godet a d'abord une formation de psychologiste et dans un second temps de cinéaste. C'est avant tout à un sujet auquel elle s'intéresse et la forme de l'œuvre passe ensuite. Hélas ! On a l'impression ici que la forme a été délaissée au profit du fond. Tout d'abord le choix de ne s'intéresser qu'uniquement au propos de Michel Vaujour, et très peu à ceux de son entourage, fait de "Ne me libérez pas je m'en charge" une sorte de long monologue duquel il est très compliqué de ne pas décrocher régulièrement empêchant ainsi de comprendre la totalité des propos. L'insistance de Fabienne Godet sur les yeux de son sujet en gros plan à la recherche de la moindre émotion révèle surtout la pauvreté visuel du métrage. Les trop longs moment concentrés sur le visage de Michel Vaujour nous empêchent totalement de nous laisser aller dans le film car il n'a tout simplement aucun rythme. Cette manie de vouloir uniquement se concentrer sur son personnage ne sert pas le film en bien car le peu d'utilisation d'images d'archives, ou de témoignages extérieurs, empêchera à tout novice de comprendre la porté des propos développés ici. Le côté très amateur de la caméra donne parfois l'impression d'un film de famille, d'un journal intime ou même d'un carnet de note d'une psychologue sur son patient, comme si la psychologue Fabienne Godet nous avait montrés ses prises de notes brouillons sur son patient Michel Vaujourt.

"Ne me libérez pas je m'en charge" est donc un film constructif et intelligent, mais qui, hélas, se voit handicapé par une mise en scène d'amateur empêchant au film d'avoir le moindre rythme entrainant pour le spectateur. Après l'excellente fiction "Mesrine" on aurait pu apprécier un documentaire sur un nom du banditisme français qui soit tout aussi ambitieux et intéressant, mais tel n'est pas le cas ici.


4,5/10

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Powered By Blogger