vendredi 6 mars 2009

Harvey Milk de Gus Van Sant


Après quatre films lorgnant presque vers le cinéma expérimental et beaucoup plus intimiste ("Gerry", "Elephant", "Last Days" et "Paranoïd Park") Gus Van Sant revient vers un cinéma beaucoup plus mainstream et donc grand public. On n'aurait pas pu penser à un meilleur réalisateur pour raconter la vie de Harvey Milk, premier homme ouvertement homosexuel ayant été élu à une fonction politique importante aux Etats-unis. En effet, au long de sa carrière, Gus Van Sant, qui ne cache pas non plus son homosexualité, a, plus d'une fois, abordé le sujet que se soit dans son premier film, "Mala Noche", dans "My Own Private Idaho" en passant par "Elephant" où, au détour d'une scène, le réalisateur évoque une hypothétique relation entre les deux tueurs. Le film commence directement par l'annonce de l'assassinat de Milk pour ensuite retrouver ce personnage enregistrant ses "dernières paroles" sur bande audio. Tout le récit sera construit sur cette voix qui développe la trame comme si Harvey Milk était lui même revenu pour aider Gus Van Sant à réaliser ce film.

Avant d'être l'histoire d'un homme "Harvey Milk" est surtout l'histoire du combat d'une communauté qui, à travers le personnage interprété avec brio par Sean Penn, a trouvé un leader et une voix par laquelle elle peut se faire entendre. C'est peut-être cet aspect qui donne à "Harvey Milk" ce côté trop didactique. En effet, au début du film, l'intérêt est porté sur Harvey Milk, et son compagnon Scott Smith, et une réelle relation est installée à l'écran par de magnifiques scènes, mais, dès que l'on commence à s'attaquer à l'engagement de Milk, le film devient une sorte d'énumération des faits d'armes de ce dernier.

"Harvey Milk" devient alors un film qui s'intéresse plus à l'aspect politique du personnage qu'à son évolution personnelle ou psychologique. A cause de cela, on a du mal à s'attacher aux personnages, et lorsque Milk entame une nouvelle relation avec son dernier compagnon, Jack Lira, on ne ressent aucune sympathie ou émotion pour ce couple même dans les moments les plus tragiques. De plus, pour nous, public francais, qui avons un systéme politique bien différent de celui des Etats-unis, certaines discussion et certains enjeux, en apparence importants, sont assez incompréhensibles ce qui ne nous ne permet pas de saisir pleinement le climat de stress et d'inquiétude que pouvait vivre Harvey Milk. Ce manque de ressenti tout au long du film va toutefois être relativisé par la fin du film où, avec la même méthode que dans "Elephant", Gus Van Sant va réellement installer un climat de tension jusqu'au moment fatidique. Le film s'achève également sur une scéne émouvante ou, après l'assassinat de Milk, des milliers de d'habitants de San Fransisco défilent dans la rue pour lui rendre hommage.

Même si l'impact émotionnel n'est pas toujours au rendez-vous Gus Van Sant arrive à quand même captiver ses spectateurs d'une autre manière. Tel un professeur d'Histoire face à un amphithêatre d'université bondé, le réalisateur nous décrit parfaitement l'ambiance qui pouvait régner dans les années 70. Les nombreuses scénes d'époque, et surtout de manifestations, sont réellement bluffantes et crédibles, et on aurait presque envie d'y participer. Cette ambiance particulièrement réussie existe grâce à l'utilisation de nombreuses images d'archives. L'appel aux services de Cleve Jones, ancien proche de Milk, en tant que consultant historique, ainsi que d'exceptionnelles reconstitutions autant dans les décors, avec une utilisation des lieux d'origines, que dans le casting, contribuent à cette fidélité historique.

En effet, le casting ressemble presque à un jeux des sosies où Gus Van Sant s'est amusé à chercher qui, aujourd'hui, dans les nouveaux acteurs, ressemblent aux personnages de l'époque. On s'aperçoit que tout une nouvelle génération d'acteurs, qui ont aujourd'hui entre 20 et 30 ans, sont prêt prendre possession des écrans. A côté d'eux, tout comme son personnage se l'entend dire, Sean Penn ressemble à un vétéran. Parmis tout ces noms à retenir il y a bien sûr James Franco, déjà vu dans "Spider-man", Emile Hirsh, qui retrouve ici Sean Penn qui l'avait dirigé pour "Into the Wild", ainsi que, dans une moindre mesure, Lucas Grabeel, particulièrement étonnant alors qu'on ne lui connaissait que sa présence au casting de "High School Musical". D'un tout autre âge, on peut aussi féliciter la prestation de Josh Brolin, qui, depuis "No Country For Old Men", "American Gangster", et son impressionante métamorphose en George W. Bush dans "W." d'Oliver Stone, montre qu'il est un acteur trop longtemps sous-estimé et sous exploité.

Finalement "Harvey Milk" est avant tout une oeuvre politique, sûrement la plus politique que n'ai jamais réalisée Gus Van Sant. Malgré son côté un peu trop didactique et pas assez personnel, le film fait passer son message de tolérance envers la communauté LGBT (lesbienne, gay, bi et transexuelles) et qui doit s'étendre à toutes les autres formes de discriminations, comme le dit Harvey Milk. Avec "Harvey Milk", on est aussi heureux de constater que Gus Van Sant sait encore réaliser des films intéressants et grand public que l'on arrive à regarder du début à la fin, ce qui était particulièrement difficile avec ses deux derniers opus : "Last Days" et "Paranoïd Park".

Note 6,5/10


Critique également disponible sur: http://www.lequotidienducinema.com

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